I. Ce que tout médecin doit savoir.

L’infection gonococcique disséminée (IGD) est une cause fréquente de polyarthralgies aiguës, de polyarthrites ou d’oligoarthrites chez les jeunes patients en bonne santé. La gonorrhée est la deuxième maladie infectieuse la plus fréquemment signalée aux États-Unis. C’est une cause majeure de maladie inflammatoire pelvienne qui peut entraîner l’infertilité et des douleurs pelviennes chroniques. On pense que les infections gonococciques peuvent faciliter la transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

II. Confirmation du diagnostic : Êtes-vous sûr que votre patient a une gonorrhée disséminée ?

La gonorrhée disséminée se présente sous la forme de deux syndromes : 1) une forme bactériémique qui comprend une triade de ténosynovite, dermatite et polyarthralgies sans arthrite purulente et 2) une forme d’arthrite septique caractérisée par une arthrite purulente sans lésions cutanées associées. De nombreux patients présentent des caractéristiques communes aux deux syndromes. Le délai entre l’infection et les manifestations cliniques peut varier de 1 jour à 3 mois.

A. Antécédents Partie I : Reconnaissance des schémas :

Le patient typique atteint de DGI est jeune (moins de 40 ans), avec des polyarthralgies migratoires asymétriques, une ténosynovite et une dermatite. Il y a généralement des antécédents récents d’activité sexuelle, surtout chez les femmes en période de menstruation, de grossesse ou de post-partum immédiat. Une déficience congénitale ou acquise du complément ainsi que le lupus érythémateux systémique, qui est associé à une déficience du complément, peuvent augmenter le risque de développer une DGI. Des lésions cutanées peuvent être présentes comme de minuscules papules, pustules ou vésicules à base érythémateuse, un érythème noueux ou un érythème polymorphe.

B. Historique Partie 2 : Prévalence :

Il y a 2 millions de cas de Neisseria gonorrhoeae dans le monde chaque année. En 2013, plus de 330 000 cas ont été signalés aux États-Unis par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Le nombre réel de cas pendant cette période serait de 820 000. Une dissémination peut se produire dans 0,5 % à 3 % des cas. Les femmes sont plus touchées que les hommes (3:1). De nombreuses femmes touchées n’avaient aucun symptôme préalable d’infections.

C. Antécédents Partie 3 : Diagnostics concurrents pouvant mimer une gonorrhée disséminée

La gonorrhée disséminée peut être confondue avec une arthrite bactérienne (en particulier une arthrite à méningocoques), une hépatite B, une arthrite réactive, une arthrite rhumatoïde, une arthrite psoriasique, un lupus, un rhumatisme articulaire aigu, une endocardite infectieuse, une infection aiguë par le VIH et une syphilis secondaire. Les cliniciens doivent également envisager le parvovirus, la rougeole, la rubéole, certaines infections arbovirales, la maladie de Lyme, ainsi que la goutte et d’autres maladies cristallines dans le diagnostic différentiel.

D. Résultats de l’examen physique.

L’examen physique doit être complet et peut souvent aider à confirmer le diagnostic. Les lésions typiques observées dans l’IGD sont de minuscules papules, pustules ou vésicules indolores à base érythémateuse. Le nombre de lésions peut varier de quelques unes à 50. La plupart des patients présentent entre 2 et 10 lésions. D’autres observations cutanées peuvent inclure des lésions urticariennes, un érythème noueux et un érythème polymorphe. Les lésions cutanées sont transitoires. Elles peuvent durer jusqu’à 4 jours et disparaissent avec ou sans traitement. L’examen musculo-squelettique peut montrer une ténosynovite qui peut être identifiée sur la base d’un gonflement de la gaine du tendon avec une douleur au mouvement. Un gonflement des articulations peut être présent. Une polyarthrite asymétrique peut être observée. Les articulations les plus fréquemment touchées sont les poignets, les doigts, les chevilles et les orteils.

E. Quels sont les tests diagnostiques à réaliser ?

S’ils sont disponibles et validés pour l’échantillon spécifique testé, un test d’amplification des acides nucléiques (TAAN) est le test diagnostique privilégié pour l’infection gonococcique (ainsi que pour les chlamydiae). Un TAAN peut être utilisé pour tester des échantillons prélevés dans l’endocol (femmes), le vagin (femmes), l’urètre (hommes) et l’urine (hommes et femmes). Si un TAAN n’est pas disponible, alors la culture est l’alternative préférée.

La culture sanguine tend à être positive dans la forme bactériémique alors que la culture synoviale est fréquemment positive dans la forme d’arthrite septique. Le sang doit être cultivé dans un milieu de bouillon enrichi. Le liquide synovial doit être soumis sur milieu Thayer-Martin. Une arthrocentèse de l’articulation impliquée doit être effectuée ainsi qu’une analyse du liquide comprenant une numération cellulaire, une analyse des cristaux et une culture.

En plus de l’analyse du liquide synovial et de la culture sur milieu de Thayer-Martin, un patient présentant des symptômes évocateurs de DGI doit subir des cultures cutanées, oropharyngées, urétrales (hommes), cervicales (femmes) et rectales sur milieu de Thayer-Martin. Un test de grossesse doit être effectué.

Quelles études de laboratoire (le cas échéant) doivent être demandées pour aider à établir le diagnostic ? Comment les résultats doivent-ils être interprétés ?

Les patients suspectés d’avoir une DGI sont à risque de contracter d’autres maladies sexuellement transmissibles comme le VIH et la syphilis. Le dépistage de l’infection à chlamydia n’est pas nécessaire puisque le traitement de la DGI doit inclure un traitement concomitant pour une éventuelle co-infection à Chlamydia trachomatis.

Quelles études d’imagerie (le cas échéant) doivent être demandées pour aider à établir le diagnostic ? Comment les résultats doivent-ils être interprétés ?

Les modifications articulaires radiographiques peuvent inclure un gonflement et un épanchement articulaire. S’il y a destruction du cartilage ou ostéomyélite, le diagnostic de DGI doit être reconsidéré. L’échographie peut être utile pour évaluer les articulations gonflées à la recherche de signes d’épanchement et d’inflammation. La ténosynovite peut également être identifiée à l’échographie.

F. Tests diagnostiques surutilisés ou « gaspillés » associés à ce diagnostic.

Non

III. Gestion par défaut.

Les patients doivent être traités avec une antibiothérapie parentérale pour N. gonorrhoeae afin de couvrir la résistance observée dans la communauté spécifique. Si un patient refuse d’être admis, essayez quand même d’administrer la dose initiale par voie parentérale. Il existe une résistance étendue de N. gonorrhoeae à des agents autres que les céphalosporines parentérales ; il est donc recommandé que le traitement initial soit la ceftriaxone à raison de 1 gramme (g) par jour ou une autre céphalosporine de troisième génération (la spectinomycine est utilisée pour les patients allergiques à la pénicilline et est disponible en dehors des Etats-Unis). Les patients présentant une réaction d’hypersensibilité aux bêta-lactamines médiée par les IgE doivent recevoir une désensibilisation afin de pouvoir être traités par des céphalosporines parentérales.

Les patients présentant la forme d’arthrite septique du DGI nécessitent 7 à 14 jours de traitement ainsi qu’un drainage de l’articulation impliquée par aspiration récurrente à l’aiguille ou par drainage chirurgical. Les patients atteints de la forme bactériémique peuvent répondre dans les 3 jours de traitement et à ce moment-là, ils peuvent être convertis à un traitement oral avec du céfixime, de la ciprofloxacine ou une autre quinolone si les cultures montrent une sensibilité totale à l’antibiotique spécifique et sinon, le traitement parentéral doit être poursuivi. Si l’IGD est compliquée par une méningite, il faut la traiter pendant 10-14 jours par thérapie parentérale. Si elle est compliquée par une endocardite, le patient doit recevoir au moins 4 semaines de thérapie parentérale.

Il faut prévoir un traitement concomitant avec une cure de 7 jours de doxycycline 100 milligrammes (mg) deux fois par jour ou une dose d’azithromycine 1 g pour traiter une éventuelle coinfection par Chlamydia trachomatis. Evitez l’utilisation de la doxycycline chez les femmes enceintes.

A. Prise en charge immédiate.

La prise en charge immédiate doit comprendre :

  • Arthrocentèse de tout épanchement articulaire

  • Cultures sanguines utilisant un milieu de bouillon enrichi et non du polyanethol sulfonate de sodium qui inhibe la croissance neissérienne

  • Culture des sites possibles d’infection en utilisant un milieu de Thayer-Martin (synovial, lésion cutanée, urétrale, cervicale, gorge et rectale)

  • Traitement antibiotique approprié

B. Conseils d’examen physique pour guider la prise en charge.

Un examen cutané approfondi pour identifier les lésions classiques peut aider à conduire au bon diagnostic.

C. Tests de laboratoire pour surveiller la réponse à la prise en charge et les ajustements de celle-ci.

Une arthrocentèse récurrente est nécessaire pour les patients présentant la forme d’arthrite septique du DGI. Si le patient continue à avoir un épanchement, une douleur articulaire sévère, de la fièvre ou un taux élevé de globules blancs (WBC), alors le patient peut avoir besoin d’un drainage arthroscopique ou chirurgical ouvert.

D. Prise en charge à long terme.

Tous les partenaires sexuels du patient devront être traités même s’ils sont asymptomatiques. S’ils sont symptomatiques, il faut les traiter comme des DGI. Les patients asymptomatiques doivent recevoir de la ceftriaxone 125mg intramusculaire (IM) ou du céfixime 400mg per os (PO) pendant 7 jours avec un traitement contre la coinfection à chlamydia d’une dose d’azithromycine 1 g par voie orale ou de doxycycline 100 mg PO deux fois par jour.

E. Pièges courants et effets secondaires de la prise en charge

Les patients atteints de DGI peuvent être co-infectés par la chlamydia, la syphilis et/ou le VIH. Le traitement d’une éventuelle coinfection à chlamydia est standard. Les patients doivent être évalués pour le VIH, la syphilis et l’utilisation de drogues illicites.

Le traitement initial de la DGI est l’un des suivants :

  • Ceftriaxone 1 g quotidien par voie intraveineuse (IV)/(IM) toutes les 24 heures

  • Cefotaxime 1 g IV toutes les 8 heures

  • Ceftizoxime 1 g IV toutes les 8 heures

  • Spectinomycine 2 g IM toutes les 12 heures pour les patients allergiques à la pénicilline-.allergiques à la pénicilline (ce traitement a été abandonné aux USA en 2006 mais est disponible dans d’autres pays)

Traiter la DGI par voie parentale pendant 24-48 heures au-delà de l’amélioration des symptômes cliniques, puis passer si les cultures montrent une sensibilité à un agent oral, comme le céfixime 400 mg deux fois par jour, la ciprofloxacine 500 mg deux fois par jour, la doxycycline 100 mg deux fois par jour (si elle n’est pas enceinte), ou l’amoxicilline 500 mg quatre fois par jour, pendant 7-10 jours.

IV. Prise en charge avec des comorbidités

Les comorbidités ne nécessitent pas de modification de la prise en charge standard de l’IGD. Les complications possibles découlant de l’IGD sont présentées dans les sections ci-dessous.

A. Insuffisance rénale.

Des emboles aux reins peuvent résulter si la complication rarement observée de l’endocardite gonococcique se produit.

B. Insuffisance hépatique.

Le syndrome de Fitz-Hugh-Curtis ou périhépatite gonococcique se présente comme une douleur abdominale aiguë avec sensibilité du foie à la palpation et élévation des tests de la fonction hépatique. Il peut résulter d’une propagation hématogène, que l’on observe davantage chez les hommes, ou de la propagation de l’infection par le système lymphatique rétropéritonéal Le NAAT peut être utilisé les trompes de Fallope chez les femmes.

C. Insuffisance cardiaque systolique et diastolique

Avant l’antibiothérapie de l’IGD, l’endocardite gonococcique était observée et constituait un quart des cas d’endocardite bactérienne. Aujourd’hui, l’endocardite gonococcique est rare mais les complications peuvent être graves. Les patients peuvent présenter de nombreuses lésions cutanées ainsi que des embolies dans diverses zones telles que le cerveau, les reins et les extrémités. Rarement, les patients peuvent développer une myocardite, une péricardite, un frottement et un liquide péricardique de nature purulente.

D. Maladie coronarienne ou maladie vasculaire périphérique

Un patient peut développer des emboles aux extrémités à la suite d’une endocardite gonococcique, une complication rare de l’IGD.

E. Diabète ou autres problèmes endocriniens

Non

F. Malignité

Non

G. Immunosuppression (VIH, stéroïdes chroniques, etc).

Non

H. Maladie pulmonaire primaire (BPCO, asthme, ILD)

Non

I. Problèmes gastro-intestinaux ou de nutrition

Non

J. Problèmes hématologiques ou de coagulation

Non

K. Démence ou maladie psychiatrique/traitement

Non

A. Considérations relatives à la signature pendant l’hospitalisation.

Pendant l’hospitalisation, si un patient continue d’être fébrile ou si les symptômes persistent malgré une antibiothérapie, alors le diagnostic doit être remis en question ou le patient peut avoir besoin d’un drainage chirurgical de l’articulation concernée pour éviter la destruction de l’articulation.

B. Durée prévue du séjour.

Au moins 2 à 3 jours pour permettre la poursuite du traitement parental pendant 24 à 48 heures après la disparition des symptômes cliniques.

C. Quand le patient est-il prêt à sortir de l’hôpital.

Les patients peuvent sortir de l’hôpital 1 à 2 jours après la disparition des symptômes.

D. Organisation du suivi clinique

Le patient doit être suivi en ambulatoire 1 semaine après la fin de l’antibiothérapie.

Quand faut-il organiser le suivi clinique et avec qui ?

Le suivi doit être organisé une semaine après la fin de l’antibiothérapie et les sites à cultures positives antérieures doivent être remis en culture. Le patient doit consulter un orthopédiste pour une évaluation et une prise en charge plus poussée de l’articulation infectée.

Quels sont les tests à effectuer avant la sortie de l’hôpital pour permettre la meilleure première visite à la clinique ?

Avant la sortie de l’hôpital, le patient doit subir une évaluation du VIH et de la syphilis.

Quels sont les tests à demander en consultation externe avant ou le jour de la visite à la clinique.

Aucune

E. Considérations sur le placement.

None

F. Pronostic et conseils aux patients.

Le pronostic est bon. Les patients doivent être informés de la nécessité de prévenir une réinfection en utilisant des préservatifs et un spermicide.

A. Normes d’indicateurs de base et documentation.

N/A

B. Prophylaxie appropriée et autres mesures pour prévenir la réadmission.

Pour éviter la récurrence de l’IGE, les patients doivent être éduqués sur les moyens de prévenir les maladies sexuellement transmissibles.

VII. Quelles sont les preuves ?

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