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Qu’est-ce qui fait que le trouble dissociatif de l’identité (DID) est un diagnostic polarisant ? Pourquoi divise-t-il les professionnels entre croyants et non-croyants, suscitant des débats enflammés, des émotions fortes et une ferveur semblable à celle que l’on observe dans la religion ?

La controverse sur le DID se poursuivra probablement au-delà de la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V), dont la publication est prévue en 2012. Les partisans et les opposants prétendent avoir le dessus dans les arguments concernant la validité du diagnostic du DID et les avantages et inconvénients du traitement. Cet article examine la logique des arguments précédents et nouveaux.

1. Le sophisme des arguments à pied d’égalité

Lorsque 301 psychiatres américains certifiés par le conseil d’administration ont été interrogés en 1999 sur leur attitude à l’égard des diagnostics de troubles dissociatifs du DSM-IV :

  • 35% n’avaient aucune réserve à l’égard du DID
  • 43% étaient sceptiques
  • 15% ont indiqué que le diagnostic ne devrait pas être inclus dans le DSM1.

Seulement 21% pensaient qu’il existait des preuves solides de la validité scientifique du DID. Dans l’ensemble, les articles publiés semblent sceptiques quant aux composantes essentielles du DID : l’amnésie dissociative et la thérapie de la mémoire retrouvée.2

Les sceptiques du DID sont parfois accusés de « déni » ou de « réticence » à accepter ce diagnostic. Le scepticisme éclairé est acceptable – et même encouragé – lorsqu’il s’agit de poser un diagnostic de simulation, de trouble factice, de certains troubles de la personnalité, de toxicomanie et d’états psychotiques, pour n’en citer que quelques-uns. Pourquoi le scepticisme éclairé sur le DID est-il mal vu ?

Dans les spécialités médicales et chirurgicales, le scepticisme éclairé est encouragé afin que le praticien remette en question ses hypothèses sur un diagnostic possible par un processus méthodique d’inclusion, d’exclusion et de vérification des hypothèses. Je soutiens que peu ou pas de scepticisme est une pratique inférieure aux normes, voire une négligence.

La parabole de la théière céleste de Bertrand Russell (encadré 1)3 a exposé le sophisme des arguments à pied d’égalité (c’est-à-dire que dans tout débat ou argument qui a 2 côtés, les 2 côtés ne sont pas nécessairement sur un pied d’égalité). L’argument de Russell est valable pour tout système de croyance reposant sur la foi. Maintenant que le DID est dans le « livre ancien » (DSM-IV), la charge de la preuve par une logique magique a été déplacée vers les « non-croyants ». En droit, cela s’appelle un précédent, mais le droit est encore moins scientifique que la psychiatrie et n’est pas le meilleur exemple à suivre. Une erreur commise il y a 100 ans est toujours une erreur.

Box 1

L’analogie de la « théière céleste » de Bertrand Russell sur la religion

En 1952, le philosophe britannique Bertrand Russell a utilisé l’analogie d’une théière dans l’espace pour illustrer la difficulté que rencontrent les sceptiques lorsqu’ils remettent en question des affirmations infalsifiables. L’argument de Russell concernait la croyance religieuse, mais il est valable pour d’autres systèmes de croyance reposant sur la foi. Voici l’analogie de la théière céleste:

« Si je devais suggérer qu’entre la Terre et Mars il y a une théière en porcelaine tournant autour du Soleil dans une orbite elliptique, personne ne serait capable de réfuter mon affirmation à condition que je prenne soin d’ajouter que la théière est trop petite pour être révélée même par nos télescopes les plus puissants. Mais si je disais ensuite que, puisque mon affirmation ne peut être réfutée, c’est une présomption intolérable de la part de la raison humaine que d’en douter, on penserait à juste titre que je dis des bêtises. Si, cependant, l’existence d’une telle théière était affirmée dans les livres anciens, enseignée comme la vérité sacrée chaque dimanche, et inculquée dans l’esprit des enfants à l’école, l’hésitation à croire en son existence serait une marque d’excentricité et donnerait droit au sceptique à l’attention du psychiatre dans une époque éclairée ou de l’Inquisiteur dans une époque antérieure. »

Source : Référence 3

2. Illogique de la causalité

La vaste revue de littérature deiper et Merskey4,5 a examiné l’association présumée entre le DID et les abus (principalement sexuels) durant l’enfance. Ils ont trouvé :

  • aucune preuve que le DID résulte d’un traumatisme infantile ou que les cas de DID chez les enfants ne sont presque jamais signalés
  • « des preuves cohérentes de iatrogénie flagrante » dans la pratique de certains partisans du DID.

On peut facilement renverser la logique en prétendant qu’un diagnostic de DID provoque des souvenirs d’abus sexuels infantiles.

Pour ce qui est de la réticence présumée des patients à signaler les abus subis pendant l’enfance, j’ai été témoin dans chacun de mes 15 cas présumés de DID (tous des femmes) non pas d’une réticence mais d’une forte tendance à faire étalage de leur diagnostic et de leurs symptômes et d’un empressement à raconter à nouveau leurs histoires avec des détails graphiques, généralement sans avoir été provoqué. Les patients ayant reçu un diagnostic de DID semblent avoir un  » puissant intérêt direct  » – pour reprendre l’expression de Paul McHugh6 – à soutenir le diagnostic, les symptômes, les comportements et la thérapie du DID comme une fin en soi.

Les partisans du DID reconnaissent que des artefacts iatrogènes peuvent exister dans le diagnostic et le traitement. Cependant, ils insinuent presque immédiatement que les « stratégies défensives subtiles » des patients DID génèrent ces artefacts. La discussion de Greaves sur le trouble de la personnalité multiple7 reconnaît que le surdiagnostic peut être motivé par le désir des thérapeutes « d’atteindre la gratification narcissique d' »avoir un multiple à eux » » mais en rejette la responsabilité sur les « néophytes »

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