Roosevelt était intéressé à faire entrer dans les syndicats américains le plus grand nombre possible d’électeurs et à s’emparer de leur direction pour l’utiliser afin de constituer une puissante faction ouvrière qui pourrait contrôler le parti démocrate et que lui et ses alliés pourraient contrôler grâce au vaste pouvoir du gouvernement et aux vastes pouvoirs des dirigeants syndicaux, ainsi qu’aux immenses ressources financières dont disposerait un si grand mouvement ouvrier. Les communistes étaient intéressés par l’obtention de postes clés en tant que dirigeants syndicaux, statisticiens, économistes, etc., afin d’utiliser l’appareil des syndicats pour promouvoir la cause de la révolution. Je pense que nous devons être justes en disant à ce stade que ni Roosevelt ni Lewis n’ont réalisé le péril auquel ils exposaient à la fois les syndicats et le pays. Ce qu’on appelle la propagande et l’activité révolutionnaires est une sorte d’art en soi. Elle a été développée à un haut degré en Europe où les groupes révolutionnaires sont actifs depuis un demi-siècle et où les groupes révolutionnaires communistes ont connu un tel succès au cours des 25 dernières années. Elle était, à l’époque dont je parle, pratiquement inconnue des dirigeants politiques et syndicaux de ce pays et elle l’est toujours pour la grande majorité des dirigeants politiques. Le moment est venu pour Lewis de prendre conscience de la gravité de la situation, de l’affronter franchement et de s’en occuper immédiatement. Mais comme nous le verrons, Roosevelt, par une combinaison d’événements et d’influences, est tombé de plus en plus profondément dans les griffes de divers opérateurs révolutionnaires, non pas parce qu’il s’intéressait à la révolution mais parce qu’il s’intéressait aux votes.
Pour l’instant, cependant, il a capitalisé fortement sur les activités du CIO. Le CIO a mis un demi-million de dollars pour la campagne de Roosevelt en 1936 et lui a fourni un immense groupe de travailleurs actifs qui ont joué un grand rôle dans la large victoire qu’il a remportée dans les urnes. Mais parmi eux se trouvaient désormais un grand nombre de communistes occupant des positions de grand pouvoir au sein du nouveau mouvement syndical, certains d’entre eux se rapprochant même du centre du pouvoir. C’était la fissure dans le mur par laquelle ils entraient. Leur pouvoir allait croître et prospérer.