Voici un récit alternatif de l’histoire biblique de l’Exode, basé sur des découvertes historiques et archéologiques, ainsi que sur la littérature égyptienne antijuive concernant l’origine de la nation juive et le personnage de Moïse. Ce récit alternatif s’appuie sur le livre fascinant du professeur Israël Knohl, Comment la Bible est née.

Le premier auteur à nous offrir un aperçu sur le récit égyptien de l’Exode est l’historien grec égyptien Manéthon, qui vivait à Alexandrie à l’époque ptolémaïque, au IIIe siècle avant J.-C.

Manéthon rapporte qu’au XVIIe siècle avant J.-C., des envahisseurs étrangers appelés les bergers – Hyksos en égyptien – sont arrivés en Égypte et se sont emparés du trône. Ils ont brûlé les villes égyptiennes, détruit les idoles et brisé les temples, commettant « d’horribles crimes de haine contre tous les indigènes du pays ». Puis, après un certain temps, les Hyksos furent expulsés d’Égypte par un Pharaon. A ce stade du texte, Manéthon révèle leur véritable identité : « Ils quittèrent le pays d’Égypte avec leurs familles et leurs biens, et traversèrent le désert jusqu’en Syrie ; cependant, craignant les souverains assyriens, ils s’établirent une ville dans le pays appelé alors Judée. »

Détail sur le site du cimetière de Beni Hasan. Des nomades sémites en route pour l’Égypte, l’un nommé Avisa ou Avisar, appelé Hyksos, « souverain d’une terre étrangère » en égyptien ancien.

Le texte de Manéthon, qui détermine que les bergers étaient les ancêtres des Juifs, continue et véhicule encore une autre histoire. Des siècles après l’expulsion des Hyksos d’Égypte, le souverain égyptien, le pharaon Amenhotep, souhaita demander l’avis des dieux. Ses conseillers lui ont dit que la seule façon d’approcher les dieux était de purifier l’Égypte des lépreux qui vivaient à la frontière. Amenhotep rassembla tous les lépreux de son territoire et les concentra dans la ville abandonnée d’Avaris, ancienne capitale des Hyksos. Les lépreux se soulevèrent et se rebellèrent contre lui, menés par un prêtre lépreux appelé Osarseph, qui fonda pour eux une nouvelle religion hostile, dont les principes essentiels étaient la négation du polythéisme et la foi en un dieu unique. Selon certains chercheurs, Osarseph aurait puisé ses idées monothéistes auprès du pharaon Akhénaton, qui régnait sur l’Égypte aux siècles précédents.

Manéthon rapporte qu’Osarseph envoya des messagers à l’étranger afin d’établir une force d’aide militaire, sollicitant également l’aide des descendants des Hyksos, les bergers de Judée, qui vinrent en masse le soutenir, lui et les lépreux. Ensemble, ils formèrent une nouvelle force puissante qui s’empara de l’Égypte. Le nouveau dirigeant Osarseph, chef des lépreux, devint alors roi, il collectait des impôts et prêchait contre les dieux égyptiens. Alors, qui était Osarseph ? Selon Manéthon, après avoir rejoint les Hyksos, Osarseph a changé son nom en Moïse. Bien qu’il fasse référence à Moïse comme un fanatique haineux et isolationniste, Manéthon parle également de la sagesse unique de Moïse, de son courage, et de ce que les Égyptiens appelaient une présence divine, une description qui est conforme à la description biblique de Moïse dans Exode, 11, 3 :  » l’homme Moïse était très grand dans le pays d’Égypte, aux yeux des serviteurs de Pharaon et aux yeux du peuple. »

Un segment du Papyrus Harris – British Museum, WikiMedia

Parlons maintenant du Grand Papyrus Harris – le plus long papyrus connu d’Égypte (40 mètres de long), découvert dans une tombe près de l’État de Habou en face de Louxor, sur la rive ouest du Nil. Le papyrus Harris parle d’une époque où l’Égypte était une terre déserte, sans direction solide, jusqu’à ce qu’un homme du nom d’Irsu arrive au pouvoir. La signification littérale de son nom est « prétendant », un homme extérieur à la dynastie, qui prétend être roi. Irsu était également un Kharru, c’est-à-dire qu’il était originaire de Canaan ou de l’autre côté du Jourdain, territoires appelés en Kharru égyptiens. Ces deux titres impliquent qu’Irsu n’était pas digne du trône. En poursuivant notre lecture, nous apprenons qu’Irsu collectait des impôts, avait l’habitude de mettre à mal la religion égyptienne et empêchait les fidèles d’apporter leurs sacrifices dans leurs temples. Puis un tournant se produisit : lorsque les dieux rétablirent leur clémence sur l’Égypte, ils placèrent leur fils sur le trône – Setnakhte, le pharaon fondateur de la 20e dynastie. Setnakhte combattit l’étranger, s’en débarrassa et prit le trône.

Une autre découverte intéressante, qui corrobore le papyrus Harris, est une pierre tombale découverte à Éléphantine, datée de la deuxième année de règne de Setnakhte. Elle parle de Setnakhte, qui a réhabilité l’Égypte après l’ère du souverain étranger qui a brisé les principes religieux des pharaons.

L’Exode des enfants d’Israël, peinture de David Roberts, 1828

Selon la théorie du Prof. Knohl, Irsu mentionné dans les sources ci-dessus, celui qui méprisait la religion égyptienne et faisait venir des mercenaires de Canaan, était en fait notre Moïse. Il appuie son hypothèse sur le fait que la reine qui a régné avant Setnakhte était Twosret, épouse du second Sethi, mort en 1196 av. Les documents indiquent que son règne n’a duré que deux ou trois ans, après quoi un événement mystérieux et énigmatique s’est produit. Une lutte intérieure éclata en Égypte, qui mit fin à la 19e dynastie et amena au pouvoir une nouvelle dynastie, fondée par Setnakhte . Cela amène Knohl à conclure que la lutte était en fait la prise de pouvoir par Moïse et les lépreux, rejoints par les bergers sur la région du Delta.

Le professeur Knohl date l’Exode à la deuxième année de la royauté du pharaon Setnakhte, vers 1186 avant JC. Il explique que les parents de Moïse appartenaient aux descendants de Jacob, venus en Égypte pendant la famine. Moïse a grandi à la cour sous la protection de la reine Twosret, qui n’avait pas d’enfants à elle, et qui est peut-être la fille du pharaon biblique qui a adopté et élevé Moïse. Après la mort de la reine, Moïse s’est jugé digne de devenir roi et a utilisé le soutien de son peuple, les enfants de Jacob, qui étaient réduits en esclavage en Égypte, pour ses conquêtes. Il a ensuite apporté un renfort supplémentaire de l’étranger – les bergers de Canaan. Dans la lutte entre les deux forces, Moïse et ses hommes perdent, sont déportés d’Égypte et se dirigent vers Canaan.

Voilà donc la version égyptienne. Le reste est de l’histoire comme le dit le cliché, ou plutôt – une histoire alternative. C’est à vous de choisir. Joyeux Pessah !

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