Georges Bizet, nom d’origine Alexandre-César-Léopold Bizet, (né le 25 octobre 1838, Paris, France- mort le 3 juin 1875, Bougival, près de Paris), compositeur français surtout connu pour son opéra Carmen (1875). Son approche réaliste a influencé l’école vériste de l’opéra à la fin du XIXe siècle.
Le père de Bizet était professeur de chant et sa mère une pianiste amateur douée, et ses talents musicaux se sont déclarés si tôt et si indubitablement qu’il a été admis au Conservatoire de Paris avant d’avoir terminé sa 10e année. Parmi ses professeurs figurent les compositeurs accomplis Charles Gounod et Fromental Halévy, et il remporte rapidement une succession de prix, dont le plus important est le Prix de Rome, décerné pour sa cantate Clovis et Clotilde en 1857. Ce prix s’accompagne d’une pension d’État de cinq ans, dont deux ans que les musiciens sont tenus de passer à l’Académie de France à Rome.
Bizet avait déjà montré un don pour la composition bien supérieur à celui d’un simple garçon précoce. Sa première œuvre scénique, l’opérette en un acte Le Docteur miracle, jouée à Paris en 1857, est marquée simplement par un esprit vif et une maîtrise facile de l’idiome de l’opérette de l’époque. En revanche, sa Symphonie en do majeur, écrite en 1855 mais perdue par la suite et qui n’a été découverte et jouée qu’en 1935, se compare aisément à n’importe quelle œuvre écrite au même âge de 17 ans par Mozart ou Felix Mendelssohn. Un contrepoint fluide et ingénieux, un savoir-faire orchestral et un heureux mélange du style classique viennois et de la mélodie française confèrent à cette symphonie une place de choix dans la production de Bizet.
Le jeune compositeur était déjà conscient de ses dons et du danger inhérent à sa facilité. « Je ne veux rien faire de chic, écrit-il de Rome, je veux avoir des idées avant de commencer un morceau, et ce n’est pas ainsi que je travaillais à Paris. » A Rome, il se met à étudier Robert Schumann, Carl Maria von Weber, Mendelssohn, et Gounod, qui était considéré comme plus qu’un demi-compositeur allemand par les admirateurs du compositeur français à la mode Daniel Auber.
La musique de Mozart m’affecte trop profondément et me rend vraiment malade. Certaines choses de Rossini ont le même effet ; mais curieusement Beethoven et Meyerbeer ne vont jamais jusque-là. Quant à Haydn, il m’envoie au lit depuis quelque temps déjà.
Au lieu de passer sa troisième année statutaire en Allemagne, il choisit de rester à Rome, où il recueille des impressions qui seront finalement rassemblées pour former une deuxième symphonie en ut majeur (Roma), créée en 1869. Un opéra à texte italien, Don Procopio, écrit à cette époque, montre le style de Donizetti, et l’ode Vasco de Gama est largement modelée sur Gounod et Meyerbeer.
Lorsque Bizet revient à Paris à l’automne 1860, il est accompagné de son ami Ernest Guiraud, qui sera chargé de populariser l’œuvre de Bizet après sa mort. Malgré des opinions très tranchées, Bizet est encore immature dans sa conception de la vie (cynique dans son attitude envers les femmes, par exemple) et souffre d’une conscience artistique qui lui reproche de préférer le charme facile à la grandeur. Il avait même honte de son admiration pour les opéras de son contemporain italien Giuseppe Verdi et aspirait à la foi et à la vision de l’artiste romantique typique, qu’il n’a jamais pu atteindre. « Je devrais écrire une meilleure musique », écrit-il en octobre 1866 à son ami et élève Edmond Galabert, « si je croyais à beaucoup de choses qui ne sont pas vraies. » En fait, le scepticisme et le matérialisme de la philosophie positiviste dominante ont constamment troublé Bizet ; il se pourrait bien que ce soit son incapacité à concilier son intelligence avec ses émotions qui l’ait poussé à se lancer dans tant de projets d’opéra qu’il n’a jamais menés à terme. Le type de drame exigé par le public de l’opéra français de l’époque ne pouvait que rarement engager toute sa personnalité. Les faiblesses des deux premiers opéras qu’il a achevés après son retour à Paris ne sont pas tant le résultat d’un regard excessif du compositeur sur le goût du public que de son intérêt faiblissant pour le drame. Ni Les Pêcheurs de perles (1863) ni La Jolie Fille de Perth (1867) n’avaient de livret capable de susciter ou de concentrer les pouvoirs musicaux et dramatiques latents que Bizet s’est finalement révélé posséder. L’intérêt principal des Pêcheurs de perles réside dans son cadre oriental exotique et dans l’écriture chorale, qui est plus individuelle que celle de la musique lyrique, sur laquelle Gounod jette encore une longue ombre. Bien que La Jolie Fille de Perth ne présente qu’une ressemblance squelettique avec le roman de Sir Walter Scott, la caractérisation est plus forte (la gitane Mab et la « Danse bohémienne » anticipent Carmen), et même des caractéristiques aussi conventionnelles que la patrouille de nuit, le chœur des buveurs, la scène du bal et la folie de l’héroïne font preuve d’une fraîcheur et d’une élégance de langage qui élèvent indubitablement l’œuvre au-dessus du niveau général de l’opéra français de l’époque.
Bien qu’il soit chaleureusement reconnu par Berlioz, Gounod, Saint-Saëns et Liszt, Bizet est encore obligé, durant ces années, d’entreprendre les bidouillages musicaux que seuls les compositeurs français les plus performants sont capables d’éviter. Les histoires de son humeur et de sa promptitude à se quereller suggèrent une profonde incertitude intérieure, et le cynisme et la vulnérabilité de l’adolescence ne cèdent guère à une attitude émotionnelle mature de la vie avant son mariage, le 3 juin 1869, avec Geneviève Halévy, la fille du compositeur de l’opéra La Juive (1835). Entre ses fiançailles en 1867 et son mariage, Bizet est lui-même conscient de subir « un changement extraordinaire… comme artiste et comme homme. Je me purifie et je deviens meilleur ». Les critiques défavorables à l’égard de certains aspects de La Jolie Fille de Perth l’incitent à rompre définitivement avec » l’école des flonflons, des trilles et des faussetés » et à concentrer son attention sur les deux éléments qui ont toujours été les plus forts de sa musique : la création d’une atmosphère exotique et le souci de la vérité dramatique. Le premier de ces éléments est brillamment illustré dans le Djamileh en un acte (1872), assez original pour être accusé de « dépasser même Richard Wagner en bizarrerie et en étrangeté » ; et le second dans la musique de scène pour la pièce d’Alphonse Daudet L’Arlésienne (1872), qui est marquée par une délicatesse et une tendresse tout à fait nouvelles dans sa musique. Outre le bonheur de son mariage, couronné par la naissance d’un fils en juillet de cette même année, ses lettres montrent qu’il est profondément remué par les événements de la guerre franco-prussienne et, pendant le siège de Paris, il sert dans la garde nationale.
C’est dans les premiers feux de cette nouvelle maturité émotionnelle, mais avec l’ardeur et l’enthousiasme de la jeunesse encore inégalés, qu’il a écrit son chef-d’œuvre, Carmen, basé sur une histoire de l’auteur français contemporain Prosper Mérimée. Le réalisme de l’œuvre, qui a fait scandale lors de sa création en 1875, devait inaugurer un nouveau chapitre de l’histoire de l’opéra ; et la combinaison d’une couleur locale brillante et d’un impact émotionnel direct avec une exécution minutieuse et une richesse mélodique ont fait de cet opéra un favori des musiciens et du public. Le philosophe Friedrich Nietzsche le considérait comme le type de musique « méditerranéenne » qui était l’antidote au son teutonique de Wagner. Le scandale provoqué par Carmen commençait seulement à céder la place à une admiration enthousiaste lorsque Bizet mourut subitement.