6 juillet 1796 – 2 mars 1855

Débuts difficiles

Le chemin vers le pouvoir, entaché d’un drame sanglant, fut ardu pour Nicolas Ier. Mais bien qu’il ait rêvé d’ordre et de stabilité à l’intérieur, et de victoires militaires à l’étranger, il reste dans les mémoires comme le plus réactionnaire des monarques russes, un symbole de militantisme et d’oppression.

Nicolas n’a pas été élevé pour être empereur. Né le 6 juillet 1796, troisième fils du tsar Paul Ier, il avait peu de chances de monter sur le trône. N’étant pas considéré comme un héritier possible, il a été éduqué en conséquence. Son éducation était stricte, la flagellation était courante et peu d’efforts étaient faits pour motiver le jeune étudiant.

Ne s’intéressant pas beaucoup aux sciences humaines, Nicolas était plutôt attiré par l’ingénierie et les affaires militaires, appréciant particulièrement les exercices et le lustre des parades. Pour compléter son éducation, il entreprend plusieurs voyages à travers la Russie et visite également la Grande-Bretagne. Ces voyages élargissent ses horizons, mais le jeune homme grandit en conservateur convaincu.

Czar ou mort

Nicolas mène une vie tranquille et sans prétention, perçu comme étant au bas de l’échelle de la famille royale. Mais les choses changent radicalement en 1819. Son frère aîné, le tsar Alexandre Ier, est sans enfant. Le deuxième fils de Paul et le suivant dans l’ordre de succession, Constantin, renonce au trône. Nicolas n’est donc plus qu’un héritier apparent. La nouvelle est un choc. Nicolas ne se sentait pas prêt à régner, réalisant qu’il n’avait pas les compétences et les connaissances nécessaires. Officiellement, son style de vie n’a pas changé. Il ne prend toujours pas part aux affaires de l’État, tandis que sa carrière militaire reste morose. Impopulaire parmi les soldats, il était détesté pour son caractère impitoyable et sa recherche de la faute.

La mort soudaine d’Alexandre Ier, en novembre 1825, lors d’un voyage loin de Moscou, plongea la monarchie russe dans la tourmente. L’armée jure allégeance à Constantin. N’ayant aucun soutien, Nicolas est prêt à abandonner le pouvoir mais Constantin ne veut pas non plus régner.

L’incertitude dure plus de 20 jours. Après de nombreuses tergiversations diplomatiques et des rumeurs de complot dans l’armée, Nicolas se sent poussé à agir et se déclare empereur. Il écrit : « Après-demain matin, je suis soit tsar, soit mort. »

La révolte des décembristes

Mais le jour où le serment d’allégeance à Nicolas doit avoir lieu, un groupe de jeunes officiers de l’armée – plus tard connus sous le nom de décembristes – tente un coup d’État. Nicolas n’était qu’à un pas de sa chute, mais il a écrasé la révolte, ordonnant l’utilisation de canons pour tirer sur les comploteurs.

Si certains d’entre eux ont été exécutés plus tard, la plupart ont été punis d’un exil sibérien. Dans un acte de loyauté envers leurs maris, beaucoup de leurs épouses les ont suivis dans le désert gelé. L’expression « épouse décembriste » est devenue depuis un symbole de la dévotion d’une épouse russe à son mari.

Le « gendarme de l’Europe »

Après le début dramatique et sanglant de son règne, la lutte contre les idées révolutionnaires et la dissidence devient l’obsession de Nicolas. Au début des années 1830, il écrase brutalement une rébellion polonaise, réduisant la Pologne au statut de province russe. En 1848, il envoie des troupes pour réprimer un soulèvement hongrois contre le contrôle autrichien. La Russie devient crainte et détestée par les penseurs libéraux occidentaux, tandis que Nicolas est surnommé le « gendarme de l’Europe ».

Autocratie, orthodoxie et nationalité!

À l’intérieur, il tente de renforcer la stabilité, en rationalisant le code des lois de la Russie et ses systèmes financiers et éducatifs. Nicolas rêvait d’une société idéale modelée sur une famille patriarcale, où le peuple fait preuve de loyauté envers l’autorité illimitée du tsar. La devise de son régime est proclamée comme étant « autocratie, orthodoxie et nationalité ». Ce principe était utilisé pour promouvoir les valeurs et la culture russes traditionnelles et supprimer les nationalités non russes et les religions autres que le christianisme orthodoxe.

La doctrine a donné naissance à deux écoles de pensée. L’une, les occidentalistes, pensait que la Russie restait arriérée et primitive et ne pouvait progresser qu’en adaptant les manières et les valeurs européennes. L’autre, les slavophiles, favorisait avec enthousiasme les Slaves et leur culture, estimant que la Russie devait progresser différemment de l’Europe occidentale.

Profondément religieux, travailleur et menant un style de vie simple, Nicolas se voyait accomplir une mission divine et participait avec empressement à tous les aspects du gouvernement du pays. Mais, fidèle à son amour de l’armée, il valorisait la discipline et l’exécution rapide des ordres bien plus que les compétences et les connaissances.

De nombreuses institutions civiles ont été remodelées selon la tradition militaire. La bureaucratie s’épanouit tandis que la vie culturelle et spirituelle de la Russie est strictement contrôlée. Des polices secrètes spéciales sont mises en place et la censure est tellement renforcée qu’elle est surnommée « de fonte ».

Pendant le règne de Nicolas, deux des plus grands poètes russes, Alexandre Pouchkine et Mikhaïl Lermontov, subissent un contrôle sévère et sont persécutés pour leur liberté de pensée. La mort tragique de tous deux a été considérée par beaucoup, au moins en partie, comme le résultat de la traque du tsar.

Alors que Nicolas encourage le développement de l’enseignement technique et de l’ingénierie, il resserre également son emprise sur les universités et limite le nombre d’étudiants autorisés à y étudier.

Expansion de la Russie

Nicolas étend le territoire de la Russie comme jamais auparavant, prenant le contrôle de l’Extrême-Orient et repoussant les frontières du pays vers le Pacifique. Mais son règne s’est terminé par un énorme désastre militaire. Sa tentative de s’attaquer à l’Empire ottoman et d’établir un protectorat sur la population orthodoxe des Balkans, encore largement sous contrôle ottoman, a conduit à la guerre de Crimée de 1853-56.

Elle a vu la Russie subir une défaite cuisante aux mains de la Grande-Bretagne, de la France et de la Turquie. La guerre a montré que l’économie arriérée de la Russie était incapable de rivaliser avec de nombreuses puissances occidentales. Nicolas a été gravement ébranlé par les énormes pertes militaires.

Mort et héritage

Sa santé s’est affaiblie et après avoir attrapé un rhume, il est mort en 1855. Selon certaines rumeurs, il se serait empoisonné après avoir appris l’une des défaites militaires de la Russie.

Malgré une personnalité complexe, Nicolas est entré dans l’histoire russe comme un militant et un réactionnaire. Alexandre Pouchkine l’a décrit comme étant « très soldat et un peu Pierre le Grand ». Le penchant du tsar pour les exercices sans fin et la flagellation dans l’armée lui a valu le surnom de Nicolas Palkin, du russe palka ou « bâton ».

Écrit par Maria Aprelenko, RT

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