CuriaEdit
Après l’arrestation de l’évêque de Pamiers par Philippe IV de France en 1301, le pape Boniface VIII a publié la bulle Salvator Mundi, rétractant tous les privilèges accordés au roi français par les papes précédents, et quelques semaines plus tard Ausculta fili avec des accusations contre le roi, le convoquant devant un conseil à Rome. Dans une affirmation audacieuse de la souveraineté papale, Boniface déclara que « Dieu nous a placés au-dessus des Rois et des Royaumes »
En réponse, Philippe écrivit « Votre vénérable vanité peut savoir, que nous ne sommes le vassal de personne en matière temporelle », et demanda une réunion des États généraux, un conseil des seigneurs de France, qui avaient soutenu sa position. Le roi de France lance des accusations de sodomie, de simonie, de sorcellerie et d’hérésie contre le pape et le convoque devant le conseil. La réponse du pape fut la plus forte affirmation à ce jour de la souveraineté papale. Dans Unam sanctam (18 novembre 1302), il décrète qu' »il est nécessaire au salut que toute créature humaine soit soumise au pontife romain ». Il préparait une bulle qui excommunierait le roi de France et mettrait l’interdit sur la France, lorsqu’en septembre 1303, Guillaume Nogaret, le plus fervent critique de la papauté dans le cercle intérieur français, conduisit une délégation à Rome, avec des ordres intentionnellement lâches du roi d’amener le pape, si nécessaire par la force, devant un concile pour statuer sur les accusations portées contre lui. Nogaret se coordonna avec les cardinaux de la famille Colonna, rivaux de longue date contre lesquels le pape avait même prêché une croisade plus tôt dans sa papauté. En 1303, des troupes françaises et italiennes attaquent le pape à Anagni, sa ville natale, et l’arrêtent. Il fut libéré trois jours plus tard par la population d’Anagni. Cependant, Boniface VIII, alors âgé de 68 ans, est profondément brisé par cette attaque contre sa propre personne et meurt quelques semaines plus tard.
CoopérationEdit
En réaction à l’intransigeance de papes comme Boniface VIII, les Français resserrent leur influence sur la papauté, finissant par réduire les papes à des marionnettes et empilant la cour papale avec des clercs français.
La mort du pape Boniface VIII prive la papauté de son homme politique le plus capable de s’opposer au pouvoir séculier du roi de France. Après la papauté conciliante de Benoît XI (1303-04), le pape Clément V (1305-1314) devient le pontife suivant. Il était né en Gascogne, dans le sud de la France, mais n’était pas directement lié à la cour française. Il dut son élection aux clercs français. Il décida de ne pas s’installer à Rome et établit sa cour à Avignon. Dans cette situation de dépendance à l’égard de puissants voisins français, trois principes caractérisent la politique de Clément V : la suppression des mouvements hérétiques (tels que les cathares dans le sud de la France), la réorganisation de l’administration interne de l’église et la préservation d’une image intacte de l’église en tant qu’unique instrument de la volonté de Dieu sur terre. Ce dernier point a été directement remis en question par Philippe IV lorsqu’il a exigé un procès posthume de son ancien adversaire, feu Boniface VIII, pour hérésie présumée. Philippe exerçait une forte influence sur les cardinaux du collegium, et la satisfaction de sa demande pouvait porter un coup sévère à l’autorité de l’Église. Une grande partie de la politique de Clément visait à éviter un tel coup, ce qu’il finit par faire (en persuadant Philippe de laisser le procès au Conseil de Vienne, où il s’éteint). Cependant, le prix à payer était des concessions sur divers fronts ; malgré de forts doutes personnels, Clément a soutenu les procédures de Phillipe contre les Templiers, et il a personnellement statué pour supprimer l’ordre.
Une question importante durant le pontificat du pape Jean XXII (né Jacques Duèze à Cahors, et précédemment archevêque d’Avignon) fut son conflit avec Louis IV, empereur du Saint-Empire romain germanique, qui niait la seule autorité du pape pour couronner l’empereur. Louis suit l’exemple de Philippe IV, et convoque les nobles d’Allemagne pour soutenir sa position. Marsilius de Padoue justifie la suprématie laïque sur le territoire du Saint Empire romain germanique. Ce conflit avec l’empereur, qui se traduit souvent par des guerres coûteuses, pousse la papauté encore plus dans les bras du roi de France.
Le pape Benoît XII (1334-1342), né Jaques Fournier à Pamiers, était auparavant actif dans l’inquisition contre le mouvement cathare. Contrairement à l’image plutôt sanglante de l’Inquisition en général, on rapporte qu’il était très attentif aux âmes des examinés, prenant beaucoup de temps dans les procédures. Son intérêt pour la pacification du sud de la France a également motivé la médiation entre le roi de France et le roi d’Angleterre, avant le déclenchement de la guerre de Cent Ans.
SoumissionEdit
Sous le pape Clément VI (1342-1352), les intérêts français ont commencé à dominer la papauté. Clément VI avait été archevêque de Rouen et conseiller de Philippe IV auparavant, donc ses liens avec la cour française étaient beaucoup plus forts que ceux de ses prédécesseurs. À un moment donné, il a même financé de sa poche les efforts de guerre français. Il aurait aimé une garde-robe luxueuse et, sous son règne, le style de vie extravagant d’Avignon a atteint de nouveaux sommets.
Clément VI a également été pape pendant la peste noire, l’épidémie qui a balayé l’Europe entre 1347 et 1350 et qui aurait tué environ un tiers de la population européenne. Toujours sous son règne, en 1348, la papauté d’Avignon rachète la ville d’Avignon aux Angevins.
Le pape Innocent VI (1352-1362), né Étienne Aubert, est moins partisan que Clément VI. Il tient à établir la paix entre la France et l’Angleterre, ayant œuvré dans ce sens au sein de délégations papales en 1345 et 1348. Son apparence décharnée et ses manières austères lui valent un plus grand respect aux yeux des nobles des deux côtés du conflit. Cependant, il était aussi indécis et influençable, déjà un vieil homme lorsqu’il fut élu pape. Dans cette situation, le roi de France réussit à influencer la papauté, bien que les légats du pape aient joué un rôle clé dans diverses tentatives pour mettre fin au conflit. En 1353, notamment, l’évêque de Porto, Guy de Boulogne, tente d’organiser une conférence. Après des premiers pourparlers fructueux, la tentative échoue, en grande partie à cause de la méfiance du côté anglais à l’égard des liens étroits de Guy avec la cour française. Dans une lettre, Innocent VI lui-même écrit au Duc de Lancaster : « Bien que nous soyons nés en France et que, pour cela et pour d’autres raisons, nous tenions le royaume de France en affection particulière, cependant, en travaillant pour la paix, nous avons mis de côté nos préjugés privés et essayé de servir les intérêts de tous. »
Avec le pape Urbain V (1362-1370), le contrôle de la papauté par Charles V de France devient plus direct. Urbain V lui-même est décrit comme le plus austère des papes d’Avignon après Benoît XII et probablement le plus spirituel de tous. Cependant, il n’est pas un stratège et fait des concessions substantielles à la couronne française, notamment en matière de finances, une question cruciale pendant la guerre contre l’Angleterre. En 1369, le pape Urbain V soutient le mariage de Philippe le Hardi du duché de Bourgogne et de Marguerite III, comtesse de Flandre, plutôt que de donner une dispense à l’un des fils d’Édouard III d’Angleterre pour qu’il épouse Marguerite. Cela montrait clairement le caractère partisan de la papauté ; corrélativement, le respect de l’église chuta.
SchismeEdit
La décision la plus influente du règne du pape Grégoire XI (1370-1378) est le retour à Rome, qui commence le 13 septembre 1376 et se termine par son arrivée le 17 janvier 1377. Bien que le pape soit né en France et qu’il soit encore fortement influencé par le roi de France, le conflit croissant entre les factions amies et hostiles au pape constitue une menace pour les terres papales et pour l’allégeance de Rome elle-même. Lorsque la papauté établit un embargo sur les exportations de céréales pendant une pénurie alimentaire en 1374 et 1375, Florence organise plusieurs villes en une ligue contre la papauté : Milan, Bologne, Pérouse, Pise, Lucques et Gênes. Le légat du pape, Robert de Genève, un parent de la Maison de Savoie, mène une politique particulièrement impitoyable contre la ligue pour rétablir le contrôle sur ces villes. Il convainc le pape Grégoire d’engager des mercenaires bretons. Pour réprimer un soulèvement des habitants de Cesena, il engage John Hawkwood et fait massacrer la majorité de la population (entre 2 500 et 3 500 morts). À la suite de ces événements, l’opposition à la papauté se renforce. Florence entre en conflit ouvert avec le pape, un conflit appelé « la guerre des huit saints » en référence aux huit conseillers florentins qui ont été choisis pour orchestrer le conflit. Toute la ville de Florence est excommuniée et, en réponse, l’envoi des taxes cléricales est arrêté. Le commerce est sérieusement entravé et les deux parties doivent trouver une solution. Dans sa décision concernant le retour à Rome, le pape était également sous l’influence de Catherine de Sienne, canonisée plus tard, qui prêchait pour un retour à Rome.
Cette résolution fut cependant de courte durée lorsque, après avoir ramené la cour papale à Rome, le pape Grégoire XI mourut. Un conclave se réunit et élit un pape italien, Urbain VI. Le pape Urbain se met à dos les cardinaux français, qui tiennent un second conclave et élisent l’un des leurs, Robert de Genève, qui prend le nom de Clément VII, pour succéder à Grégoire XI, amorçant ainsi une deuxième lignée de papes d’Avignon. Clément VII et ses successeurs ne sont pas considérés comme légitimes et sont qualifiés d’antipapes par l’Église catholique. Cette situation, connue sous le nom de schisme occidental, perdure à partir de 1378 jusqu’à ce que le concile œcuménique de Constance (1414-1418) résolve la question de la succession papale et déclare invalide le conclave français de 1378. Un nouveau pape, le pape Martin V, a été élu en 1417 ; d’autres prétendants à la succession de la lignée des papes d’Avignon (bien que ne résidant pas à Avignon) ont continué jusqu’à environ 1437.