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Qu’est-ce que la sociologie économique et l’économie politique, ou les sciences sociales et politiques en général, ont à voir avec Albert Einstein ?… vous pourriez probablement demander. Eh bien, c’est le cas – et j’espère qu’à la fin de ce billet vous serez d’accord avec moi.
Je crois fermement au pouvoir des idées qui guident fréquemment, et bloquent, nos pensées, nos analyses et nos actions. De même que je suis fortement intéressé par le processus déroutant de la théorisation et une vigueur explicative et prescriptive des théories.
C’est pourquoi (et comment) les voies mystérieuses de la curiosité m’ont conduit à L’évolution de la physique par Albert Einstein et Leopold Infeld (1938). Ce livre de science, écrit par deux géants académiques, s’adresse au lecteur profane et retrace le développement des idées en physique d’une manière remarquablement lucide.
Mais ce livre ne concerne pas seulement la physique en tant que discipline. A mon avis, il traite également de l’importance de l’imagination et du pouvoir des idées dans l’évolution de la pensée, de l’enquête et de la recherche ; il traite des sources essentielles des efforts intellectuels pour comprendre le monde.
Le texte ci-dessous est basé sur des extraits du livre composés par moi en un court article. En fait, cet article développe la célèbre citation d’Einstein : « L’imagination est plus importante que la connaissance. Car la connaissance est limitée, alors que l’imagination embrasse le monde entier, stimulant le progrès, donnant naissance à l’évolution. Elle est, à proprement parler, un véritable facteur de la recherche scientifique. » (extrait de son ouvrage On Cosmic Religion : With Other Opinions and Aphorisms, 1931, p. 49).
Vous êtes invités à le lire, et gardez à l’esprit : Parfois, c’est l’esprit imaginatif d’un intellectuel engagé dans la politique de la vérité qui est nécessaire pour découvrir les structures cachées et les mécanismes de reproduction de la réalité socio-économique et pour effriter les idées dominantes qui empêchent les changements institutionnels.

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« Dans presque tous les romans policiers depuis les admirables histoires de Conan Doyle, il arrive un moment où l’enquêteur a rassemblé tous les faits dont il a besoin pour au moins une phase de son problème. Ces faits semblent souvent assez étranges, incohérents et sans aucun rapport entre eux. Le grand détective, cependant, se rend compte qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre l’enquête pour le moment, et que seule la réflexion pure permettra d’établir une corrélation entre les faits recueillis. Il joue donc du violon, ou se prélasse dans son fauteuil en savourant une pipe, quand soudain, parbleu, il a trouvé ! Non seulement il a une explication pour les indices dont il dispose, mais il sait que certains autres événements ont dû se produire. Puisqu’il sait maintenant exactement où la chercher, il peut sortir, s’il le souhaite, pour recueillir d’autres confirmations de sa théorie (pp. 4-5)… Les lecteurs de romans policiers savent bien qu’un faux indice brouille l’histoire et retarde la solution (6)… Il ne faut pas toujours se fier aux conclusions intuitives basées sur l’observation immédiate, car elles conduisent parfois à de mauvais indices. Mais où l’intuition se trompe-t-elle ? (7)… Dans une bonne histoire mystérieuse, les indices les plus évidents mènent souvent aux mauvais suspects… l’explication intuitive la plus évidente est souvent la mauvaise (9)…
La science doit créer son propre langage, ses propres concepts, pour son propre usage. Les concepts scientifiques commencent souvent par ceux utilisés dans le langage ordinaire pour les affaires, de la vie quotidienne, mais ils se développent tout à fait différemment. Ils se transforment et perdent l’ambiguïté qui leur est associée dans le langage ordinaire, gagnant en rigueur pour pouvoir être appliqués à la pensée scientifique (14)…
Notre intérêt ici réside dans les premières étapes du développement, dans le suivi des indices initiaux, dans le fait de montrer comment de nouveaux… concepts naissent dans la lutte douloureuse avec les anciennes idées. Nous ne nous intéressons qu’au travail de pionnier de la science, qui consiste à trouver des voies de développement nouvelles et inattendues ; aux aventures de la pensée scientifique qui créent une image toujours changeante de l’univers. Les étapes initiales et fondamentales ont toujours un caractère révolutionnaire. L’imagination scientifique trouve les anciens concepts trop restrictifs et les remplace par de nouveaux. Le développement continu le long d’une ligne déjà initiée est plutôt de la nature de l’évolution, jusqu’à ce que le prochain tournant soit atteint, quand un domaine encore plus nouveau doit être conquis. Pour comprendre, cependant, quelles raisons et quelles difficultés obligent à modifier des concepts importants, il faut connaître non seulement les indices initiaux, mais aussi les conclusions qui peuvent en être tirées (28)…
La plupart des idées fondamentales de la science sont essentiellement simples, et peuvent, en règle générale, être exprimées dans un langage compréhensible par tous. Le suivi de ces idées exige la connaissance d’une technique d’investigation très raffinée (29)…
Presque tous les grands progrès de la science découlent d’une crise de l’ancienne théorie, d’un effort pour trouver une issue aux difficultés créées. Nous devons examiner les vieilles idées, les vieilles théories, bien qu’elles appartiennent au passé, car c’est le seul moyen de comprendre l’importance des nouvelles et l’étendue de leur validité.
Dans les premières pages de notre livre, nous avons comparé le rôle d’un enquêteur à celui d’un détective qui, après avoir rassemblé les faits requis, trouve la bonne solution par la pensée pure. Sur un point essentiel, cette comparaison doit être considérée comme très superficielle. Dans la vie comme dans les romans policiers, le crime est donné. Le détective doit chercher des lettres, des empreintes digitales, des balles, des pistolets, mais il sait au moins qu’un meurtre a été commis. Ce n’est pas le cas pour un scientifique….. Pour le détective, le crime est donné, le problème formulé : qui a tué Robin des Bois ? Le scientifique doit, au moins en partie, commettre son propre crime, tout en menant l’enquête. De plus, sa tâche n’est pas d’expliquer un seul cas, mais tous les phénomènes qui se sont produits ou qui peuvent encore se produire (77-8)…
On peut cependant choisir d’être conservateur et de chercher une solution dans le cadre des vieilles idées. Des difficultés de ce genre, des obstacles soudains et inattendus dans le développement triomphant d’une théorie, se présentent fréquemment en science. Parfois, une simple généralisation des anciennes idées semble, au moins temporairement, être une bonne solution… Très souvent, cependant, il est impossible de rafistoler une ancienne théorie, et les difficultés entraînent sa chute et l’émergence d’une nouvelle théorie (93-4)…
La formulation d’un problème est souvent plus essentielle que sa solution, qui peut être simplement une question… d’habileté expérimentale. Soulever de nouvelles questions, de nouvelles possibilités, considérer les vieux problèmes sous un angle nouveau, exige une imagination créatrice et marque une véritable avancée de la science (95)…
Créer une nouvelle théorie n’est pas comme détruire une vieille grange et ériger à sa place un gratte-ciel. C’est plutôt comme l’escalade d’une montagne, l’acquisition de vues nouvelles et plus larges, la découverte de nouvelles connexions entre notre point de départ et son riche environnement. Mais le point d’où nous sommes partis existe toujours et peut être vu, bien qu’il apparaisse plus petit et qu’il ne constitue qu’une infime partie de notre large vue acquise par la maîtrise des obstacles sur notre chemin (159)…
La science nous oblige à créer de nouvelles idées, de nouvelles théories. Leur but est de briser le mur de contradictions qui bloque fréquemment la voie du progrès scientifique. Toutes les idées essentielles de la science sont nées dans un conflit dramatique entre la réalité et nos tentatives de compréhension. Voici encore un problème pour la solution duquel de nouveaux principes sont nécessaires (280)… L’association des problèmes résolus avec ceux non résolus peut jeter une lumière nouvelle sur nos difficultés en suggérant de nouvelles idées. Il est facile de trouver une analogie superficielle qui n’exprime rien en réalité. Mais découvrir quelques traits communs essentiels, cachés sous une surface de différences extérieures, pour former, sur cette base, une nouvelle théorie réussie, est un travail créatif important » (Einstein et Infeld 1938 : 286-7).

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